Au moins aussi vieille que l’existence des syndics de copropriété, la question des rétrocommissions.
Le principe est simple. Les syndics confient des marchés à des entreprises. Celles-ci les “remercient” en leur reversant un pourcentage du marché confié.
Là où le bât blesse c’est lorsque les syndics favorisent les entreprises ayant les plus grosses enveloppes.
Les copropriétaires ne sont pas au courant des véritables critères qui président au choix de ses entreprises.
La qualité du service rendu ou du produit n’est plus au centre du processus de décision. Et pire encore, les entreprises choisies ne sont bien souvent pas les moins chères. En effet leurs tarifs tiennent compte des enveloppes. Au final ce sont les copropriétaires qui paient les rétrocommissions. Ils sont par deux fois lésés.
Serpent de mer
Cette pratique illégale est un serpent de mer qui refait surface de temps à autre à l’occasion d’une “affaire”.
En 2011, le sénateur de l’Hérault, Robert Navarro, fait revenir la question sur le devant de la scène. Il poste une question écrite au gouvernement sur le sujet. La réponse du Ministre du logement parait au Journal Officiel du Sénat et est extrêmement claire. Elle affirme que les rétrocommissions sont interdites, préjudiciables aux syndicats de copropriétaires et peuvent engager la responsabilité civile professionnelle des syndics concernés.
En 2010, au beau milieu du plein boom des diagnostiqueurs en tout genre, le législateur menace la profession de la parution d’un décret. Face à la recrudescence des pratiques de rétro-commissions entre ces professionnels et les syndics, il était urgent d’agir.
Où en est-on aujourd’hui ?
Faut-il encore légiférer ?
En aura-t-on un jour fini avec les rétro-commissions ?
La loi interdit et punit les rétrocommissions
Une chose est certaine : les rétrocommissions sont interdites. La loi est claire à ce sujet et elle ne date pas d’hier. La réponse ministérielle rappelle d’ailleurs le texte de référence en la matière : l’article 66 du décret du 20 juillet 72 pour application de la loi du 2 janvier 1970.
Que dit cet article ?
Lorsqu’un syndicat de copropriétaires mandate un syndic, quelle que soit la mission, le syndic ne peut recevoir de rémunération QUE du syndicat des copropriétaires.
Pourquoi n’est-ce jamais réglé ?
Parce que la pratique est vieille comme le monde et que les syndics sont très inventifs.
Exemple d’inventivité : Enregistrer les entreprises dans un fichier qu’on appelle “portail téléphonique”.
Ce syndic met en place un fichier qui référence toutes les entreprises qu’il a “validé”. Il indique bien sûr pour chacune leurs références téléphoniques. Les copropriétaires peuvent donc facilement les contacter pour leur demander des devis. Les copropriétés sont en confiance, puisque leur syndic a pré-négocié les tarifs pour eux !
Évidemment pour l’entreprise, l’inscription à ce registre est payante. Mis le syndic se défend. Non ! ce ne sont pas des rétrocommissions. L’entreprise rémunère le référencement sur le portail téléphonique. Le versement de sommes au syndic est “indépendant” des travaux réalisés pour le compte de la copropriété.
Par contre, ce syndic incriminé n’avait pas pensé à l’éventuelle nécessité d’informer les copropriétaires du caractère payant de son portail téléphonique !
Car c’est bien cela qui rend la pratique illégale. L’opacité.
La rétrocommission transparente est autorisée
En octobre 2016, le Conseil d’État retoque le contrat-type de syndic instauré par la loi ALUR.
Les syndics peuvent finalement recevoir des rémunérations autres que provenant des copropriétaires.
En réalité les syndics ont le droit d’être remerciés par les entreprises à qui ils confient des contrats et marchés,
à condition que cela soit transparent pour les copropriétaires.
… à condition que cela soit déclaré et noté noir sur blanc sur leur contrat. Avez-vous déjà vu ça sur un contrat de syndic ?
Que faire pour éviter d’être victime de ce système ?
Dès lors que votre copropriété prévoit des travaux importants, le conseil syndical doit être attentif et vigilant. Il ne faut pas hésiter à se renseigner par soi même sur le prix habituel des travaux projetés. Le conseil syndical doit donc être proactif. Il peut demander à des entreprise d’établir des devis. Si ces devis sont intéressants, alors il ne faut pas hésiter à les présenter. Votre syndic a l’obligation de joindre à la convocation d’assemblée générale tous les devis transmis. Néanmoins, le plus est l’ennemi du bien. Trop de devis risquent de rendre la décision plus difficile à prendre. Par conséquent un ou deux devis complémentaires sont une bonne option.
La question des rétro-commissions est vieille comme le monde. Elle n’est pas prête d’être réglée. La loi existe, à nous de la faire appliquer. Mais la seule protection dans le domaine est la vigilance. Ne considérez jamais la partie gagnée.